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Nonce Apostolique en France : J’ai laissé une partie de mon cœur en Pologne

Ks. Tomasz Sokół / Marcelina Bańkowska / Artur Hanula / 08.02.2023
Mgr Celestino Migliore, photo : Di Chancellery of the President of the Republic of Poland - prezydent.pl, GFDL 1.2, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=110187840 ; pixabay.com
Mgr Celestino Migliore, photo : Di Chancellery of the President of the Republic of Poland - prezydent.pl, GFDL 1.2, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=110187840 ; pixabay.com

Revenant comme Nonce, vingt ans plus tard, je me sentais comme chez moi, grâce à la connaissance de la langue que j’avais commencé à acquérir, mais surtout grâce à la facilité et la richesse des relations humaines que j’avais déjà établies avec de nombreuses personnes (…) J’ai travaillé avec passion et bonne entente avec tous les interlocuteurs, tant dans le domaine ecclésial que civil et je peux dire que j’ai laissé une partie de mon cœur en Pologne – a dit Monseigneur Celestino Migliore, nonce apostolique du Saint-Siège en France depuis 2020. Le 30 juin 2010, le pape Benoît XVI le nomme nonce apostolique en Pologne. Ses fonctions à la nonciature se finissent officiellement le 5 août suivant 2016.


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PolskiFR : Le chemin de vocation de Votre Excellence l’Archevêque et les débuts de votre service dans la diplomatie du Vatican.

Mgr Celestino Migliore : Comme servant d’autel, à 6 ans, je servais la messe d’un curé âgé qui était presque un mythe pour les paroissiens, parce qu’il était au service de tous, sans distinction, 24 heures sur 24 et sept jours par semaine. L’admiration et l’affection que tous avaient pour lui m’a fait dire plusieurs fois : quand je serai grand, je veux être comme lui. Donc, je n’ai entendu aucune voix, aucun appel particulier. Je ne savais pas exactement ce que voulait dire être prêtre, mais je voulais devenir un homme comme lui. Puis j’ai fait le séminaire dans mon diocèse.

A la fin des années de théologie, quand j’étais déjà diacre, mon évêque me dit qu’en octobre je devrais me trouver à Rome, commencer les études en droit canon et entrer à l’Académie ecclésiastique pour le service des représentations pontificales. Ce fut une tuile sur la tête. J’étais fasciné par la vie en paroisse et déjà je rêvais d’imiter mon vieux curé. Mon évêque a prononcé peu de mots. Il me dit : si tu veux que je t’ordonne prêtre, alors tu dois faire ce que l’Église te demande et en ce moment la volonté de l’Église se concrétise dans ma proposition. Cela m’ennuyait doublement : parce que d’une part je sentais que ce n’était pas ce que je voulais faire ; mais d’autre part la confiance dans la rectitude et l’honnêteté de l’évêque était telle que je ne pouvais pas dire non. Ce n’était pas une question de goût ou de grands projets. Il était question de choisir Dieu, tout en faisant un saut dans l’inconnu, et non de poursuivre des choses belles et grandes, mais qui étaient le fruit de mes programmes.

 

Le ministère de Votre Excellence le Nonce Apostolique en Pologne ‒ qu’est-ce qui vous a le plus marqué qu’est-ce qui vous revient le plus souvent en mémoire ?

J’ai passé neuf années en Pologne : trois comme secrétaire de la Nonciature, ouverte à nouveau en 1989, avec le Nonce J. Kowalczyk ; et ensuite six années comme Nonce, de 2010 à 2016. La première période coïncidait avec le postcommunisme. C’était un temps de changement, de volonté d’établir sur de nouvelles bases la vie sociale, économique, culturelle et même religieuse, parce que s’intensifiaient les échanges avec les autres communautés ecclésiales dans le monde. La Nonciature accompagnait le travail des évêques et de la communauté catholique qui se réorganisaient. Je pense à la réforme de l’administration ecclésiastique de 1992, avec la création de nouveaux diocèses ; à la fondation de séminaires, à la rédaction de nouvelles lignes pastorales, à l’organisation de l’heure de religion dans l’école publique et de la pastorale dans les différents secteurs de la vie civile, comme la solidarité avec les plus pauvres, la communication, l’école, les hôpitaux, les forces armées, les prisons. Tout cela faisait également partie de la rédaction du Concordat avec la République de Pologne.

Revenant comme Nonce, vingt ans plus tard, je me sentais comme chez moi, grâce à la connaissance de la langue que j’avais commencé à acquérir, mais surtout grâce à la facilité et la richesse des relations humaines que j’avais déjà établies avec de nombreuses personnes. Les vents de liberté qui soufflaient depuis plusieurs années et les importants ferments culturels, sociaux, politiques et même religieux avaient donné un nouveau visage à la société polonaise et offraient de grandes opportunités et en même temps de nouveaux défis à l’Église. Dans ce contexte, j’ai travaillé avec passion et bonne entente avec tous les interlocuteurs, tant dans le domaine ecclésial que civil et je peux dire que j’ai laissé une partie de mon cœur en Pologne.

 

La situation de l’Église catholique en Orient et le travail dans la Nonciature Apostolique en Russie.

Durant quatre années, j’ai été Nonce Apostolique en Russie et en Ouzbékistan. La communauté catholique est peu nombreuse dans les deux pays, mais elle est vivante et dynamique. J’ai beaucoup voyagé, visitant les nombreuses communautés catholiques : partout, j’ai trouvé une grande résilience à faire face aux difficultés de la vie quotidienne grâce à la foi en Jésus Christ et à l’esprit de solidarité humaine et chrétienne. Chaque année, je participais aux rencontres nationales des jeunes et à celles des familles catholiques et j’y remarquais d’importantes contributions à la cohésion et à la solidité de la société russe. Le catholicisme est présent en Russie depuis les temps très anciens, avant même la séparation entre catholiques et orthodoxes. Le dépassement des différences entre les Églises orthodoxe et catholique dépend d’un besoin évident des temps modernes, à savoir celui de mûrir ensemble une conscience ecclésiale plus profonde.

La question du soi-disant “uniatisme” a été clairement abordée par le pape François lui-même, qui a déclaré que ce n’est pas une voie viable pour l’avenir, mais que les communautés gréco-catholiques existent et ont donc le droit d’être respectées et acceptées en tant que telles.

 

La guerre en Ukraine et des possibilités diplomatiques pour résoudre ce conflit militaire.

Pour aider à la résolution du conflit, le pape François fait une œuvre de facilitateur. Ce que lui-même a déjà fait lors du rapprochement historique de Cuba et des États-Unis, en 2014. Lors de cette médiation, les conditions étaient présentes pour qu’elle soit réussie, mais la situation est cette fois différente.

La médiation n’est possible que si les deux parties la demandent ou l’acceptent. Dans cette affaire, l’Ukraine a parfois demandé l’intervention du Saint-Siège. La Russie, elle aussi, a exprimé à plusieurs reprises son appréciation sur la manière dont le Pape et le Saint-Siège agissent, mais il ne me semble pas qu’elle ait donné des signes concrets de vouloir utiliser le canal du Saint-Siège. C’est une question qui peut changer d’un jour à l’autre et nous l’espérons.

D’autre part, il semble y avoir eu quelques résultats concrets dans les questions humanitaires, notamment celles concernant l’échange de prisonniers. Je ne connais pas les détails, mais le pape François lui-même a laissé entendre publiquement, à plusieurs reprises, qu’il intervenait à cet égard.

 

Pape Benoît XVI 

Avec saint Augustin, à la mort de sa mère, nous disons nous aussi du fond du cœur : “Seigneur, nous ne te demandons pas pourquoi tu nous l’as pris, mais nous te remercions parce que tu nous l’as donné”. Il a été un grand pape, comme le Seigneur le voulait pour l’époque dans laquelle il a vécu et travaillé pour l’Église.

 

L’An 2023 ‒ comment sera-t-il aux yeux du Nonce Apostolique en France ?

Malgré la variété des motivations, on peut saisir un fil conducteur qui est la demande de relations humaines marquées par la justice, l’égalité, la liberté. Il semble que le chainon manquant pouvant unir ces valeurs et les rendre effectives et opérationnelles soit celui de la fraternité.

 

À la fin, nous vous prions de bien vouloir adresser à nos lecteurs un message pour l’An 2023.

J’espère et je fais ce qui est à ma portée afin qu’en 2023, soit pris au sérieux le chainon manquant de la fraternité pour que l’humanité ait une vie heureuse.

 

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