Charles de Habsbourg – En son honneur, Wojtyła était Karol
Charles Ier comme empereur en 1917, Wikimédia (domaine public) ; Karol Wojtyła en expédition de kayak, Wikimédia (domaine public)
Le 4 novembre est la mémoire liturgique de saint Charles Borromée, évêque. Ce jour-là, Karol Wojtyła, futur pape Saint-Jean-Paul II, célébrait sa fête. Saint Charles Borromée n’était pas le seul Charles particulièrement important dans la vie du pape polonais. Le père de Karol Wojtyła junior était, bien sûr, Karol senior ; et, dans la famille, il y avait aussi plusieurs autres hommes nommés Karol (y compris le cousin de son père). La relation entre le dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie, Charles de Habsbourg, désormais béni, avec Karol Wojtyla, Jr., est un peu moins connue, mais l’histoire est très intéressante.
Il y a des années, Rudolf de Habsbourg, fils du dernier empereur autrichien, roi de Hongrie et de Bohême, révéla dans ses mémoires, une remarque faite par saint Jean-Paul II lors d’une audience privée. Le représentant de cette célèbre dynastie autrichienne a évoqué, dans ses notes, la rencontre de sa famille avec le pape polonais. L’audience a été suivie par le prince Rudolf, ses fils avec leurs familles, et surtout sa mère, l’impératrice Zyta, maintenant servante de Dieu. Jean-Paul II a accueilli très chaleureusement les Habsbourg et, s’adressant à Zyta, l’a appelée « mon Impératrice » ; le pape n’a même pas négligé la courtoisie de courber la tête devant l’impératrice. Il a parlé très chaleureusement de son défunt mari, Charles I. À un moment donné, des mots éloquents et surprenants sont sortis de la bouche du Pape :
Savez-vous pourquoi j’ai reçu le nom de Karol au baptême ? Parce que mon père avait une grande admiration pour l’empereur Charles Ier, dont il était soldat.
En effet, de 1772 à 1918, la ville de la famille Wojtyła, Wadowice, appartenait à l’empire des Habsbourg, et précisément à la dynastie Habsbourg-Lorraine, les continuateurs directs de la dynastie des Habsbourg. Compte tenu de la lignée lorraine, nous avons donc une certaine relation entre Charles Ier, ou plutôt sa dynastie, et la France. D’une manière générale, dans le sud de la Petite Pologne – Małopolska -, il existe encore de nombreux vestiges du passé autrichien. La Petite Pologne est avant tout une région particulièrement associée au Pape Jean-Paul II. « Małopolska Serwis » le rappelle à l’occasion des célébrations du centenaire de la naissance de Jean-Paul II. santojp2.pl.
Il faut aussi mentionner que le deuxième prénom du pape polonais : Joseph faisait probablement référence au prédécesseur de Charles Ier, le frère de son grand-père, François Joseph I.
Fait intéressant, Charles Ier de Habsbourg est le dernier bienheureux que Jean-Paul II éleva aux honneurs des autels. Ce fut le 3 octobre 2004, sur la place Saint-Pierre. La mémoire liturgique des bienheureux Charles est célébrée le 21 octobre.
Comment l’archiduc, et plus tard l’empereur Charles, né le 17 août 1887, a-t-il mérité d’être inclus parmi les bienheureux ?
Avant que Charles ne devienne le dernier chef couronné de l’État austro-hongrois, rien n’indiquait que cela se produirait. La liste des prétendants au trône était longue, également parce que le règne de François-Joseph Ier était exceptionnellement long. Charles n’était en aucun cas en tête de cette liste. Il est surprenant que lors de la rencontre de la future épouse de Charles, la princesse Zita, avec le pape Pie X – aujourd’hui saint – des paroles prophétiques sont venues des lèvres du successeur de Saint-Pierre, disant que Charles succéderait au frère de son grand-père ; il devait être pour l’Autriche une récompense de Dieu.
L’archiduc Charles et Zyta se sont mariés en octobre 1911 et, en 1915, à l’initiative du futur empereur autrichien et roi de Hongrie, ils ont fait un pèlerinage au plus grand sanctuaire d’Autriche à Mariazell. Charles était très dévoué à la Mère de Dieu.
En novembre 1916, le règne de François-Joseph prit fin et Charles prit le pouvoir. Ce qui avait paru impossible devint un fait.
Le jeune monarque entreprit de nombreuses initiatives pour ramener la paix et mettre fin à la Première Guerre mondiale en cours ; la paix devint une priorité pour lui. Les échecs des forces de l’Autriche-Hongrie et de la Prusse sur le front annonçaient l’effondrement du monde connu jusque-là. L’état de Charles Ier tombait en déclin et le monarque lui-même dut bientôt quitter sa patrie. De nombreux historiens ne doutent pas que, en raison de circonstances malheureuses, beaucoup des initiatives intéressantes de l’empereur Charles ont été perdues.
Quant à l’attitude du dernier empereur d’Autriche à l’égard de la Pologne, il faut admettre qu’elle a subi une évolution. Déjà en avril 1912, l’archiduc Charles, accompagné de son épouse Zyta Bourbon-Parmeńska (qui, comme on peut le voir, avait des liens dynastiques avec la France), arriva à Kolomyia en Galice, où un régiment de dragons autrichiens devait être stationné à partir de ce moment-là. En Pologne, la princesse Zyta attendait son premier enfant.
En 1920, Charles nota dans son journal :
La renaissance de l’État polonais n’a été qu’un acte de justice car il n’y a pas de nation plus patriotique que la nation polonaise, et dans l’histoire il n’y a pas eu de plus grande injustice que la partition de la Pologne.
Charles tenta de revenir sur le trône de Hongrie, mais ses efforts n’eurent pas les résultats escomptés car, entre autres, Habsbourg ne voulait pas permettre l’effusion de sang innocent. Il subit des pressions pour abdiquer mais, invoquant son vœu de couronnement, il a refusé d’y consentir.
Finalement, l’ancien monarque dut se rendre à Madère, une île portugaise de l’Atlantique. Malgré son jeune âge, sa santé se détériora tellement que Charles lui-même était certain qu’il devait se préparer à la mort. Il souffrait beaucoup. Il offrait consciemment tous les inconvénients pour de bonnes intentions, y compris pour ses anciens sujets. Chaque jour au lit, Charles écoutait la Sainte Messe et recevait la Communion. Il priait souvent avec sa femme.
Les derniers mots de l’ancien empereur d’Autriche furent :
Que votre volonté soit faite. Jésus ! Jésus !…
Le dernier empereur d’Autriche mourut le 1er avril 1922.
L’Autriche-Hongrie est une entité étatique qui évoque des sentiments ambivalents chez les Polonais à ce jour. D’une part, les avantages de la soi-disant autonomie galicienne, mais d’autre part, la politique de partitionnement de la grande puissance et la participation aux partitions sont rappelées. Malheureusement, on parle peu du dernier empereur, Charles Ier, et au moins, les orateurs et les écrivains se réfèrent à des anecdotes calomnieuses. Pendant ce temps, comme il ressort de la courte notice biographique ci-dessus, le monarque avait de nombreux mérites et, surtout dans la dernière période de son règne et de sa vie, il était très amical envers la Pologne. Il ne pensait certainement pas que, des années plus tard, Karol Wojtyła, qui n’avait pas encore deux ans au moment de sa mort, l’élèverait aux autels.
Il convient de rappeler que le miracle nécessaire pour proclamer Charles Ier bienheureux a eu lieu dans… une religieuse polonaise. C’est donc un autre motif polonais dans le contexte de la personne du dernier empereur d’Autriche. Sœur Maria Zyta Gradowska est née en 1894. À l’âge de 25 ans, cette Polonaise a rejoint la Congrégation des Sœurs de la Charité (fondée à l’origine en France). Elle est rapidement devenue missionnaire au Brésil. Au fil du temps, sa santé s’est détériorée, au point qu’elle était alitée. Une des sœurs lui a suggéré de prier pour la guérison par l’intercession du Serviteur de Dieu Charles de Habsbourg, qui avait besoin d’un miracle pour être proclamé bienheureux. La Ligue de prière envoya des prières pour la cause autrichienne. La sœur a d’abord résisté à prier l’empereur, mais sa résistance a éclaté alors que la douleur devenait de plus en plus difficile à supporter.
Un matin, sœur Gradowska s’est levée comme si de rien n’était et s’est simplement rendue à la chapelle pour la prière. Non seulement la douleur atroce avait disparu, mais les blessures non cicatrisantes sur ses jambes avaient complètement disparu. La Sœur a vécu jusqu’à 95 ans, bien qu’elle ait souffert pendant près de 20 ans de la maladie qui, finalement, disparut, inexplicablement et complètement, et n’est jamais revenue. Charles a intercédé avec succès pour une sœur qui, d’ailleurs, avait le même nom que sa femme.
Nous faisons donc bien de nous souvenir du dernier empereur d’Autriche non seulement le 4 novembre et le jour du saint patron du pape polonais. Cette figure le mérite certainement.
Sources d’information et citations : franciszkanska3.pl, niedziela.pl, cesarzpokoju.pl, santojp2.pl
Translation from Polish: P. Nau / Office for Foreign Communication of the Secretariat of the Polish Bishops’ Conference
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