Paris de Wyspiański
Stanisław Wyspiański, autoportret, 1902; widok na rue Royal, Wystawa Międzynarodowa w Paryżu, 1900 r. / Wikimedia Commions
Stanisław Wyspiański (1869-1907) est un artiste exceptionnel qui concentre toutes les tendances de son époque en demeurant profondément original. Pendant sa courte vie, il a exercé son talent comme peintre, poète, dramaturge, réformateur du théâtre et designer. On peut qualifier son art de total, héritier des aspirations de Wagner. Certes, lié au Jugendstil, il reste cependant très singulier et particulièrement prolifique. De son œuvre plastique se distinguent ses magnifiques vitraux de l’église franciscaine de Cracovie, qui dans leurs envols ornementaux frôlent l’abstraction.
Son tempérament exubérant ne supportait pas l’enfermement provincial bien que Cracovie fût un centre assez libre d’éducation et d’expression artistique. Comme chaque artiste, il rêve de voyages initiatiques, surtout en Italie et à Paris. Jeune, il part presque clandestinement envers sa famille, d’abord à Vienne, puis visite Venise, Padoue, Vérone, va en Suisse et ensuite à Paris. D’emblée, il est séduit par l’architecture gothique, admire Notre-Dame et la Sainte Chapelle. Il va voir d’autres cathédrales, à Rouen, Amiens, Laon et Reims. Ces églises le fascinent; il en fait de multiples esquisses et descriptions.
A Paris, il dévore tout de la modernité et de la tradition : musées, théâtres, monuments, rues, habitants. Aucune exposition en vogue ne lui échappe. Il est parfaitement au courant du catalogue du Salon du Louvre et du Palais de Luxembourg. Curieusement, les rues animées éveillent sa nostalgie de Cracovie et de paysages champêtres ; il ne cesse de dessiner et développe une qualité spécifique grâce à son imagination. Il crée à partir de ce qu’il voit et de ce qu’il ne voit pas, laisse courir librement sa fantaisie. Il dit même qu’il rêve, qu’il vit de son rêve, d’où son monde artistique qui préserve une magie fantastique puisée dans des légendes et des visions oniriques. Il a ce talent exceptionnel de faire fusionner ses sensations et des images vues tout en gardant la précision de son expression. Il cherche inlassablement à se perfectionner, à élargir ses inspirations, à absorber la beauté à l’état pur.
Il revient à Paris en 1891, s’installe avec son ami peintre Joseph Mehoffer dans un studio, rue de l’Echaudé, près du boulevard Saint-Germain. Sa chambre, toute petite et incommode, est encombrée de dessins, mais située au centre de la ville. D’ici tout est proche sauf… Wawel, son cher Cracovie. La promiscuité se révèle insupportable à long terme. Les deux hommes se séparent. Tous les deux tentent d’entrer à l’Ecole des beaux-arts et échouent car cette école tellement convoitée et réputée reste presque fermée aux étrangers. D’ailleurs Wyspiański craint le cursus académique comme une menace pour son individualité.
Il mène une vie misérable mais à la fois enchantée. De la misère, il a tout, disette et maladie vénérienne, cause de sa mort prématurée. Dépensait-il sa modique escarcelle dans une maison close, rue de l’Echaudé ou succombait-il aux charmes de ses modèles nus, souvent des prostituées ? Sa carrière trouve une autre entrave. Il devient allergique à l’huile de lin et abandonne la peinture au profit de l’aquarelle. C’est une raison pour laquelle ses œuvres trop fragiles sont rarement exposées à l’étranger. Une autre raison majeure s’impose : peut-on transporter ses vitraux de Cracovie ? Si on ajoute à ces obstacles plutôt techniques le fait que sa poésie et son théâtre sont fondamentalement liés à une thématique patriotique, nous avons les causes de sa méconnaissance au monde. Et pourtant la richesse et l’originalité de son œuvre protéiforme n’a pas sa pareille dans l’histoire !
Voilà un artiste qui désirait de quitter un climat provincial et qui a atteint ses aspirations universelles. Mais lui, il restait peu confiant en son talent, parfois même désespéré, il détruisait ses dessins. Qui était-il pour Paris, cette ville où tant d’artistes ont rêvé et péri ? Un jeune homme talentueux de passage ? Il en a emporté ses impressions, ses lectures, Louvre, Panthéon, Odéon, Poussin, Lorrain, Flaubert, Corneille, Modrzejewska, Puvis de Chavannes… Et plus encore: des visions nostalgiques de Cracovie, de Wawel, des légendes, des souvenirs de paysages galiciens. Bref, son propre rêve toujours nourri par la création moderne et la tradition.
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